La mort. La mort est une étape cruciale de la vie. Que l’on ait une religion ou pas, que l’on soit spirituel ou pas, la mort est toujours une étape douloureuse. C’est un passage qu’on essaie d’affronter du mieux que l’on peut. La série noire d’accidents routiers des derniers jours, puis la vague d’insécurité des derniers mois, avaient fait des morts. Beaucoup de morts. La vie elle-même fait des morts. Mort de mort naturelle, mort d’une maladie grave, mort de l’oubli, mort de quelque chose. Nous mourrons tous, c’est la vie. Mais quand on meurt, on ne reste pas moins une personne. Les réseaux sociaux ont engendré une forme de communication avec laquelle la mort n’a pas sa dignité. Evidemment, le relais public d’informations estompe rapidement le mur autrefois sacré de ce qui est privé et donc, personnel.
Tout d’un coup, les photos des corps mutilés, des personnes sans vie remontent de nulle part et s’accrochent aux fils d’actualité. Des visages défigurés par l’impact de chocs, des membres disloqués et en sang. L’album mortuaire d’une famille entière, distribuée comme des jetons gratuits. La chaire hachée et sanguinolente d’innocentes victimes. La photo des os brisés, les membres tuméfiés de personnes à qui, sûrement, on n’avait pas demandé leurs avis. Et si la personne succombe à sa maladie, tout le combat qu’elle a bravement mené durant ses dernières années se retrouve vulgairement analysé sur la place publique. Pour peu que l’histoire du décès ait eu un écho médiatisé, des détails de vie privée sortent brusquement de l’ombre. L’hommage se mêle à la curiosité morbide et vulgaire que l’on déguise en gentillesse, en amitié et en condoléances
Et de condoléances… Puisqu’il est maintenant une habitude de partager les annonces de décès sur les réseaux sociaux, il devient aussi acceptable d’y présenter ses condoléances. De toutes les traditions malgaches, celles sur la mort sont restées les plus enracinées. Mais lorsque même ces derniers repères se meurent – le cas de le dire – dans d’innombrables et insipides « RIP », comme s’il en coûtait à l’âme de faire les choses avec la manière et le respect…
Il n’est pas utile de fouiner pour ça. Ces photos sont partout, ces « confidences publiques » fleurissent de tous côtés, des centaines de fois partagées par des amis, des amis d’amis, des inconnus dans des groupes publics. Puis, certains égards plus charitables sadiques que le reste de la meute vous les envoient en message privé où vous (et des dizaines d’inconnus) aurez le bonus de photos terrifiantes. Et si vraiment, vous êtes déterminé à faire comme si vous ne les aviez pas vu, quelqu’un vous tagguera. Vous les verrez.
J’ai horreur de ça, mais je ne peux pas empêcher les usagers des réseaux sociaux de le faire. Je ne peux que compter sur un peu de bon sens et de bonté de cœur pour que l’on cesse de malmener ainsi le souvenir des personnes décédées. Car, ces personnes ont existé. Elles avaient une vie et cette vie leur appartenait. Leurs corps leur appartenaient. Leurs maladies leurs appartenaient, c’était leurs combats. Elles n’ont pas choisi d’avoir une fin tragique : elles restent humaines et donc, dignes de respect.

Bref. On me dit souvent que pour notre cas, nous avons « un grand besoin d’éducation ». On peut aussi s’éduquer soi-même à de nouvelles habitudes, puisque personne ne le fera à notre place. Mais voici ce que j’en pense, en espérant ne pas être la seule à le penser :
- Les photos d’enfants qui ne sont ni les vôtres, ni ceux de personnes qui vous sont proches, ne doivent pas être publiées sans le consentement de leurs parents. Il y a quelques mois, je me suis dit que les enfants devraient sans doute avoir leurs mots à dire, eux aussi. Souhaitent-ils figurer dans des photos publiques, identifiables par n’importe quel lambda – en particulier, après avoir subi de si terribles heurts ?
- Lorsque les personnes sont décédées, c’est aux vivants de rester garants de leurs mémoires. Ces photos de corps sans vie, partagées sur des murs publics. Etait-ce là, le dernier souhait de ces personnes ? Ou seulement l’expression d’un besoin de rendre publiques des choses privées parce que « ça se fait maintenant » ?
- La vie privée doit rester privée après la mort. En particulier, ce qui concerne la maladie, les traitements médicaux et toutes sortes de choses qui ne relèvent pas de l’avis de l’épicier du coin. Les morts avaient des vies privées : s’ils n’avaient pas souhaité en parler de leur vivant, ils avaient leurs raisons.
Je ne sais pas. Je vous demande d’y réfléchir. On meurt tous, un jour. Et on a tous une vie privée. A moins d’être une Ranavalona ou un pape…et encore.
Mitovy hevitra tanteraka. tena tsy fahalalampomba sady tsy misy fitserana akory ireo ray sy reny namoy ny menaky ny ainy fa dia sanatria vitrine ka dia avy mijery eo avokoa ny olondrehetra !!!! mila miverina amin’ny fomba gasy isika fa tena very ny fahalalampomba sy ny hasin’ny maha olona! Misaotra anao niteny!