Je recommence à déambuler dans les rues d’Antananarivo, je suis officiellement et enfin raccommodée avec les joies perverses du transport public urbain. Raccommodage est le mot car pour supporter ces rues polluées et puantes , il me faut un élément extérieur à moi-même, un fil, une corde, quelque chose avec laquelle on m’attache et me rattache. Je ne suis pas arrivée au point de détester la ville. Je reste une tananarivienne dans l’âme, mais j’ai accepté que pour que cette âme soit entière, il devait y avoir plus qu’une vieille cité altière. D’ailleurs, ce monolithe de pierres est rongé de toutes parts par une invasion immobilière, de bétons, de briques ou de sachets. Lorsque les ondées diluviennes de la saison des pluies se déversent sur la capitale, les hauteurs s’effritent, les plaines se noient. Et entre ces strates plus ou moins solides, des gens, comme moi, qui vivent ou vivotent. Tana ploie.
Je me posais souvent cette question auparavant : où vont les amoureux dans cette ville? (Je n’avais pas de réponses, je n’avais pas d’amoureux ^ ) Pas de jolis jardins où se donner rendez-vous. Pas de belle pelouse où pique-niquer tout de blanc vêtus, chapeaux de paille sur la tête; pas de places poétiques où faire sa demande en mariage. Pas même un lieu mystérieux où faire son spleen d’Anna Karenine. Non, Antananarivo n’est pas une ville romantique, ni une ville pour les amoureux. Que les gens puissent s’aimer entre les murs de cette fourmilière négligée est bien la preuve que la ville résiste par toutes les pores de son bric-à-brac. Et que d’amour dans cette ville.

Et que d’amour aussi, dans cette journée tananarivienne que je viens de passer. On roulait sur la crête d’Ilafy d’où l’on voit la silhouette d’Antananarivo s’étendre à l’horizon et on se remémorait ce texte bien à propos qu’on avait écrit pour un de nos clients : « sur les collines d’Ilafy, une panoramique sur le palais de la reine« . J’y ai visité la menuiserie d’un autre de nos clients : ruche de bois et d’hommes, nichée au creux des collines, si discrète que l’on pouvait à peine entendre le bruit des machines et du savoir-faire transformer le bois.
Puis, un peu plus bas, le temps s’est figé dans son élan. De l’autre rive, ceux qui s’en sont allés, dans leurs éternelles demeures de pierres qu’elles soient leur lieu de mort ou leur lieu de vie. Puis devant nous, l’innocence presque bouleversante d’une vie encore douce où les enfants joueront sur un manège de bois. Et nous.

Ensuite, nous sommes passés momentanément sur cet autre lieu, Antanimena, en plein cœur d’Antananarivo près duquel j’ai vu (et je ne l’ai jamais vu auparavant – je ne sors pas beaucoup apparemment ) le traditionnel bassin des lessiveuses revisité par cet extraordinaire mur de graffitis, tout en couleurs. A l’image d’une génération qui essaie de redonner vie à une cité partie à la dérive et à ses plus belles traditions (qui mieux qu’une tananarivienne pour se faire tout une histoire sur la lessive. Ka hosasaina ity lamba sa tsia, ramatoa an!)

Ce qui me rappelle, cet autre mur d’Andohalo, chef d’oeuvre de street art, réalisé avec une telle passion que je ne peux que saluer ce travail de l’âme sur la pierre et les couleurs.

Puis, hier, toujours, dans notre trajet tananarivien : Analakely où les jeunes activistes levaient la main pour protester contre la corruption. Celle, extrême, nauséabonde et honteuse dont nous avions tous eu vent ces dernières semaines. Hum.

Tout ce que j’ai vu et pensé hier me ramène à la jeunesse d’Antananarivo. Un jeune entrepreneur qui décide de former de jeunes talents pour travailler dans sa menuiserie. Des quartiers qui rajeunissent sans détonner de leur histoire, par le travail de de jeunes créatifs. Une manif’ organisée et réalisée par des jeunes, à travers les jeunes et pour les enfants de demain et ceux d’aujourd’hui, du manège de chevaux de bois. Tana résiste. Toujours.
Ici, pour plus de jolies choses à découvrir sur ma ville.
Et puis, j’ai trouvé un lieu romantique pour les amoureux : le jardin Andriamanjato, bien sûr ^^.

J’aime beaucoup comment tu écris! Et les thèmes choisis me parlent toujours. Bravo!
Dommage qu’à mon âge, on a un peu peur de profiter de tout ce que la ville a à nous donner ^^ » (pick-pocket, insécurité, kidnapping et bien d’autres)